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Penser le Christ aux dimensions du cosmos Jean-Marc Moschetta

Photo du rédacteur: Donald FinnieDonald Finnie



Le Christ cosmique Penser le Christ aux dimensions du cosmos Jean-Marc Moschetta Sur le plan biblique, l’idée d’une christologie cosmique est présente dans plusieurs écrits de Paul et s’enracine dans la littérature sapientielle. Les passages les plus directement liés à la notion de Christ cosmique sont essentiellement les suivants : 1 Co 8,6 ; 1 Co 15,28 ; Rm 8, 22 ; Ph 2, 10 ; Col 1, 15-20 ; Ep 1,10 ; Ep 1,23 ; Ep 4,10 ; Ep 4, 13 ; Hb 1, 2-4. On peut les classer en 3 grandes catégories : a. Les passages qui mettent en relation le Christ et la Création, le Christ est pensé comme médiateur de la création et identifié à la figure de la Sagesse présente à l’émergence du monde (Sg . Outre le fameux prologue de Jean (Jn 1, 1-18) dont il sera question à l’occasion de la prochaine conférence donnée par le Fr. Jean-Michel Maldamé, nous relevons : « Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes » (1 Co 8,6) « Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre (…) tout est créé par lui et pour lui et il est, lui, par devant tout [pro panton] ; tout est maintenu en lui (ou tout subsiste en lui) » (Col 1, 16-17) « [Le Christ] le principe [e arche] de la création de Dieu » (Ap 3,14) (lit. Celui dont procède la création de Dieu) « Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles [aionos, les éons, les âges] » (He 1,2). Dans ces passages, on note que le Christ est contemporain de la création. Le « par lui » indique donc l’existence d’un Christ « protologique » qui précède l’homme Jésus ! De plus, le terme toutes choses [ta panta] désigne la totalité des réalités créées, pas seulement les êtres humains. On note également que le Christ ne se contente pas d’être présent au processus de création du monde. C’est « par lui » que les choses adviennent à l’existence et c’est « en lui » qu’elles subsistent dans l’existence. Dit en termes théologiques, cela signifie que le Christ participe à la fois à la creatio originalis et à la creatio continua. Les passages qui manifestent la primauté du Christ dans l’accomplissement du monde. « Pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille au plus haut des cieux, sur la terre et sous la terre » (Ph 2, 10)  Il s’agit ici des trois divisions cosmiques traditionnelles (Ap 5, 3.13) « Tout réconcilier par lui (le Christ) et pour lui, et sur la terre et dans les cieux » (Col 1,20) « Pour mener les temps à leur accomplissement : réunir l’univers entier sous un seul chef [littéralement : récapituler toutes choses] : le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,10, trad. TOB). On note dans ces trois passages que le Christ est figure d’accomplissement cosmique à la fin de l’histoire. Ce Christ « eschatologique » répond au Christ protologique sans oublier le Christ qui est contemporain à la vie du monde. Cette triple perspective est celle de l’Apocalypse qui désigne le Christ comme « l’Alpha et l’Omega… et le Vivant » (Ap 1,17-18 ; 2,8 ; 22,13). Il n’y a pas trois Christs mais un seul Christ, à la fois protologique, historique et eschatologique. Le Christ n’est pas mort seulement pour la réconciliation des hommes, mais également pour la réconciliation du cosmos (cf. « c’était Dieu qui, en Christ, se réconciliait le monde [kosmon] » (2 Co 5,19). c. Les passages qui expriment l’accomplissement mutuel du Christ et de la création. « Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis pour que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15,28) « … La plénitude de celui qui est remplit, tout en tout » (Ep 1,23 ; trad. BJ) Il s’agit ici d’un sens passif [pleroumenou], reprenant le thème stoïcien où Dieu « remplit » le monde en même temps qu’il est rempli par le monde. Ici, c’est au Christ cet accomplissement mutuel s’applique. Le P. Benoît o.p. écrit à ce sujet : « [le Christ] remplit le monde nouveau en en prenant possession par son influence recréatrice d’extension cosmique, mais aussi il est rempli par ce monde dans la mesure où il est progressivement complété, achevé dans sa plénitude totale par la croissance de l’Eglise et du monde qu’elle entraîne après elle dans le Christ » « Celui qui est descendu est aussi celui qui est monté plus haut que tous les cieux afin de remplir l’univers » (Ep 4,10 ; trad. TOB). « Nous devons parvenir tous ensemble à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4,13 ; trad. BJ) Dans ces passages, hélas peu exploités par la tradition latine, le Christ n’est pas un personnage déjà accompli depuis la fondation du monde. Il réalise son accomplissement dans l’accomplissement du monde et le monde s’accomplit dans le Christ. Ce « Christ cosmique » transfigure la création pour la porter à son plein achèvement. Il « remplit l’univers » afin que « Dieu soit tout en tous ». Il s’agit bien ici du Christ eschatologique qui récapitule toutes choses en lui et se présente donc, comme nous le verrons dans la tradition franciscaine, comme le motif et le but de la création. Dans la tradition de l’Eglise, on relève le peu d’intérêt de la théologie occidentale pour la dimension cosmique de la théologie. Dans la patristique, le thème du Christ cosmique est plutôt développé par les Pères grecs : Justin, Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène, Athanase, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Cyrille de Jérusalem, Maxime le Confesseur. Il est quasiment absent des Pères latins, mis à part saint Ambroise qui développe une christologie de la Création. Ce manque d’intérêt de la théologie latine pour la destinée du monde non humain peut s’expliquer, selon François Euvé, par l’influence forte de saint Augustin pour qui « Dieu se rencontre davantage à l’intime de l’âme que dans la marche du monde »5. La pensée de saint Augustin est en effet sensible à l’idée que le Christ nous a libérés de toutes les dépendances supposées aux astres et les superstitions cosmiques présentes dans la pensée païenne antique. Cette « libération » s’accentue encore chez les médiévaux (à l’exception de Duns Scot et Bonaventure mais aussi d’Hugues de saint Victor et maître Eckart)

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